Les déchirements de l'armée
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armee en algerie

Le général Fourquet avait remplacé sans enthousiasme le général Ailleret, sur lequel de Gaulle comptait pour transformer son armée coloniale déchirée en une armée atomique moderne, composée de techniciens sans préoccupations politiques. Fourquet, polytechnicien, aviateur mélancolique, « en avait assez de l'Algérie ». Il avait pourtant accepté par devoir une « promotion » qui ressemblait bien à une charge. Son principal problème était de maintenir la cohésion de l'armée. Qu'elle reste dans l'ordre et dans la discipline était tout ce qu'on pouvait lui demander. Ne pas bouger devant l'O.A.S. ! Ne pas bouger devant le F.L.N. ! Et cela représentait déjà un effort colossal. Car si les maîtres de l'Algérie française des années 58-59, ceux de la pacification étaient partis pour la France ou étaient passés à l'O.A.S., leurs officiers restaient. Et c'est à eux que revenait la douloureuse mission d'évacuer les cinq mille postes du bled, de désarmer les secteurs. Ils le faisaient la rage au coeur mais ils le faisaient.
« On évacue, c'est l'ordre du gouvernement. »
Très rares furent ceux qui firent sauter leur poste plutôt que de le savoir occupé quelques jours plus tard par le F.L.N.
Mais l'immense déchirement, la véritable crise de conscience de ces officiers qui au cours des années avaient promis aux populations que « la France resterait », fut d'avoir à désarmer et à se séparer des harkis et des autodéfenses qu'on avait bien imprudemment engagés.
Le regard de ces hommes — en 1959 ils avaient été 60 000 — fut, pour ceux qui les abandonnaient à leur destin, un remords qui ne s'éteindrait jamais. Il fallut les premiers égorgements, les premières tortures sadiques de la part des « maquisards de la dernière heure  » pour que l'on regroupe les harkis dans l'immense camp de Rouiba.
Quant aux disparitions d'Européens restés dans le bled ou vivant dans la périphérie d'Oran ou d'Alger l'armée devait les ignorer. Et les ignora. Elle ne pouvait rien faire. Partir à leur recherche c'était recommencer le quadrillage qui venait d'être abandonné.
En cette fin de printemps 1962, l'armée but son calice jusqu'à la lie. Elle aussi était brisée, cassée, abattue. Lui demander d'être passive était le maximum de ce que l'on pouvait exiger d'elle.

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La fin de l'OAS